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1933-1939 : Comment le Foreign Office a perdu la paix

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Au début des années 30, le Foreign Office anglais pilote la diplomatie occidentale. Affaiblie par les crises politiques, la France est à la remorque de son allié d’outre-Manche ; quant aux Américains, ils vivent repliés dans un isolationnisme total. C’est donc aux Britanniques qu’échoit la tâche ingrate de contenir les ambitions d’Hitler.

Une certaine complaisance vis-à-vis des nazis

L’avènement du Troisième Reich pose un défi immense au Royaume-Uni. La probabilité d’un nouveau conflit apparaît dans le ciel européen, or le pays est sorti traumatisé de la Première guerre mondiale. Le monde veut la paix, et le rôle du Foreign Office est de la garantir. Va-t’il y arriver ? On sait déjà que la réponse est « non ». Mais pourquoi a-t-il échoué ?

L’idée n’est pas de faire une étude exhaustive dans un article aussi bref. Il y aurait de multiples raisons à aborder, mais suite aux recherches effectuées pour mon livre, il y a deux pistes que j’aimerais évoquer. 

La première, concerne le relativisme d’une large partie de l’establishment britannique vis-à-vis du nazisme. L’accès d’Hitler au pouvoir est approuvé par une frange non-négligeable de l’aristocratie et de la haute société britannique. De nombreux lords, financiers, et autres parlementaires (conservateurs) se déclarent favorables au régime nazi. L’exemple le plus probant vient du sommet de l’État britannique, puisque le Prince David, fils du roi George V, s’avoue admirateur d’Adolf Hitler et de son national-socialisme. 

David monte sur le trône le 20 janvier 1936 et devient roi sous le nom d’Edward VIII. L’avènement d’un monarque favorable au nazisme crée le trouble parmi les responsables politiques britanniques. Heureusement, le règne d’Edward VIII tourne court, puisque dès le mois de décembre il choisit d’abdiquer afin d’épouser sa compagne, Wallis Simpson, une Américaine, roturière, et déjà divorcée. Cette décision inédite, et sous certains aspects scandaleuse, atténue l’entrisme nazi au sein de l’aristocratie britannique, sans toutefois y mettre un un terme. Cette collusion entre l’élite britannique et le nazisme est largement abordée dans le cadre de mon roman.

Des doutes sur l’allié français

La seconde piste à aborder est la curieuse stratégie adoptée par le Foreign Office vis-à-vis de l’Allemagne. Soucieux d’entretenir de bonnes relations avec cette dernière, les Britanniques l’autorisent à réarmer sous conditions. Mais le Reich hitlérien n’a cure des conditions fixées par Londres et poursuit son réarmement, d’abord secrètement, puis, très vite, au vu et au su de tous. Résultat : dès 1936, les Britanniques estiment qu’une guerre avec l’Allemagne serait trop risquée. La messe est dite, Hitler a les mains libres. S’en suit une cascade de provocations face auxquelles les Britanniques n’opposent rien, si ce n’est de vaines protestations, et de larges ouvertures en vue d’assurer une paix qui s’éloigne chaque jour un peu plus.

Cette approche incohérente et dictée par la peur est qualifiée de « politique d’apaisement ». Mais d’après moi, la volonté de maintenir la paix n’est pas le seul motif ayant poussé les dirigeants britanniques à se montrer complaisants vis-à-vis d’Hitler. 

En effet, sitôt la Première guerre mondiale achevée, nombre de dirigeants britanniques ont renoué avec de vieux réflexes francophobes. À leurs yeux, la République française, victorieuse en 1918, est suspecte d’intentions hégémoniques en Europe. Il est vrai qu’au lendemain la Grande Guerre, la France parle haut. Elle est présente militairement dans l’est et le sud du continent européen, et son armée passe pour la meilleure au monde. Dès lors, Londres va infléchir sa politique européenne, traçant un axe favorable à Berlin, dans l’idée de contenir Paris. Comme beaucoup à cette époque, les stratèges du Foreign Office mésestiment la situation globale. Surtout, ils surestiment la puissance française qui, derrière la façade brillante, est constituée d’une structure vermoulue qui s’effondrera dès les premiers jours de l’agression allemande.

Le business pour seule boussole

À partir de 1936, les crises diplomatiques s’enchaînent. Placés face au pied du mur, les dirigeants britanniques décident de gérer la situation en bons capitalistes. 

Pour eux, l’économie prime, et la paix peut être acquise dans la mesure où l’on parvient à proposer un bon deal à Hitler. Cette idée que le co-développement et l’interdépendance économique garantissent la paix est très ancrée chez des dirigeants occidentaux. Au fond, ils ne parviennent pas à comprendre les aspirations d’un peuple allemand animé par un sentiment d’injustice attisé par les discours nationalistes. Il me semble que cette incompréhension se répète de nos jours, à la lueur de la guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine, mais ceci est une autre histoire.

En 1933, les délires messianiques du Führer, son ambition impérialiste, et ses conceptions raciales n’entrent pas dans les calculs des dirigeants britanniques, non pas qu’ils soient sourds, mais parce qu’ils ne croient pas en l’idéologie. À partir de là, le Royaume-Uni ne croit pas que la guerre soit inéluctable, ce qui, là encore, constitue une colossale erreur d’appréciation. 

Un visionnaire méconnu : Robert Vansittart 

Il y a pourtant, au sein du Foreign Office, des hommes qui distinguent la vraie nature d’Hitler et du nazisme. La postérité a retenu le nom de Churchill, mais un autre Anglais, très influent, s’est dressé dès le début contre l’Allemagne nazie. Son nom ? Robert Vansittart.

À l’époque qui nous intéresse, Vansittart est le patron du Foreign Office. Francophile averti et germanophobe notoire, il s’oppose à toute idée de compromis avec les nazis, arguant que ceux-ci ne comprennent que la force. Il plaide ainsi pour un rapprochement avec la France et un réarmement massif en vue d’une guerre qu’il sait inévitable.

Hélas, la véhémence de Vansittart à combattre un dictateur avec lequel ses chefs ne demandent qu’à s’entendre conduit à son éviction, en décembre 1937. Entre-temps, il aura avalé beaucoup de couleuvres diplomatiques, tout en incitant son pays à se préparer à la guerre. 

Son histoire est évoquée dans le cadre de mon intrigue, puisque le narrateur travaillera sous ses ordres lors de son intégration au Foreign Office. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à vous inscrire à la newsletter !